J’me plante, donc je suis

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Combien de fois sommes-nous tombés avant de savoir marcher ? Combien d’erreurs pour apprendre à parler ? s’habiller ? compter ? Nous avons tous appris en nous trompant, parfois en nous fourvoyant. Et tous, nous avons grandi parce que nous avons appris de nos erreurs. En grandissant, pourquoi avoir perdu la valorisation de l’erreur, voire de l’échec ? Récit des petites erreurs qui font les grandes expériences.

Mon rapport à l’erreur et à l’échec a changé à l’école. Quand j’ai vu le regard de ma maîtresse et entendu les rires de mes camarades alors que j’avais osé lever le doigt pour dire que moi, je n’avais pas compris… Nul, je me suis senti nul. « Plus jamais », me suis-je dit. Je l’avoue, je me suis dès lors construit sur une peur de dire que je m’étais trompé ; une crainte de ne pas savoir, de devoir l’avouer. Parfois – et même souvent – j’ai dit oui alors que la réponse était non quand on me demandait : « tu sais faire ? », « tu vois de quoi je parle ? »… Quelle erreur ! Quelle nouvelle erreur ! C’est bien des années plus tard et en bateau que j’en ai pris conscience. Un jour, en navigation côtière, mon skipper me demande : « Tu peux descendre à la table à carte et me dire si la route est claire ? ». J'entonne un « oui, bien sûr »... Et de me retrouver devant la table à carte à me demander ce qu’il fallait faire et ce que je devais voir… et de répondre sans appel « c’est ok, clair ! ». C’est une heure après, à voir le skipper jurer et remonter comme une balle à la barre et me demander de virer de bord, que j’ai compris que j’avais fait une grosse boulette : nous allions droit sur les cailloux. Sans son instinct, son sens de l’observation, et sa vérification, j’aurai coulé le bateau.

Leçon de vie

Sa réaction m’a servi de leçon de vie. Nous avons mis le bateau sous pilote, il m’a appelé et m’a dit : « quand je t’ai demandé si la route était claire, qu’est-ce que tu as fait pour t’en assurer ? » J’ai bien été obligé de lui avouer. Sa réponse : « En bateau, on sait ou on ne sait pas. Si tu ne sais pas, tu me le dis, je t’apprends. Si tu sais, tu me le dis et je te fais confiance. Mais ne fais pas semblant. Pour toi, pour l’équipage, pour le bateau, les conséquences peuvent être trop importantes ». En fait ce jour-là, il m’a ouvert les yeux : ne pas savoir peut être non seulement normal mais devenir un chemin sûr vers l'excellence. D’ailleurs, c'est souvent la seule route du succès à long terme. Comme le dit si bien Lea Dekker dans son article Le statut de l’erreur dans l’apprentissage, publié le 21 avril 2018 sur LinkedIn, « en fait, on n’apprend pas de nos erreurs, on apprend de nos succès et ces derniers sont possibles quand les erreurs ont été analysées ».

De la bienveillance (pas de complaisance)

Ceci étant dit, l’idée n’est certainement pas non plus de voir l’erreur, l’échec ou la faute avec des yeux débordant de positivisme et de crier à tout va « Faites des erreurs, le kiffe ». Il pourrait être dangereux d’aller tout de suite voir son patron en lui disant avec un grand sourire « je me suis planté et c’est formidable ». Si nous regardons bien, de quoi avons-nous besoin pour être capable d’apprendre de nos erreurs ? Se sentir en protection et en sécurité. Avec soi et avec les autres. En effet, si un enfant peut facilement apprendre de son erreur en étant petit, c’est sans doute parce qu’il évolue dans un cadre sécurisé et accompagné de manière bienveillante. Si j’ai appris de mon erreur en bateau, c’est parce que j’ai eu la chance d’être avec un skipper très bienveillant – et non complaisant – dans l’accueil de mon erreur. Il a donc pris le temps de m’écouter, de m’expliquer sans en garder rancune pour la suite. Il devient donc fondamental de se sentir en protection suffisante pour ensuite se donner la permission de révéler son erreur. C’est en conscience de ces éléments-là que je m’efforce d’avoir à l’esprit que l’erreur et l’échec ne sont pas des portes qui se ferment mais bien des fenêtres qui s’ouvrent. Comme le précise Charles Pépin dans Les Vertus de l’échec (Paris, éditions Allary, 2016, 256 pp), les Grecs utilisaient le terme « kaïros» qui peut se traduire par « occasion favorable ». L’erreur, voire l’échec, sont de parfaits vecteurs d’apprentissage, à tous les âges, à toutes les fonctions.

Jean-Christophe Walter - CSP

Deux exercices pratiques pour apprivoiser son droit à l’erreur - Le premier pourrait s’appeler Prendre conscience de ses… réussites. Il s’agit de penser à une réussite et de réfléchir aux erreurs commises qui en ont finalement permis la réussite. L’objectif est double : partir sur un succès et de prendre conscience que sans des erreurs commises préalablement, il en aurait été sans doute différent. - Le second est inspiré des séances « Astronaut Only » de la NASA. Après leur mission, les astronautes se réunissent pour partager les erreurs qu’ils ont faites afin d’éviter que d’autres ne les commettent. D’abord, mettre les protections : choisir quelqu’un de confiance et un lieu dans lequel on se sent bien. Ensuite, partager à l’autre une erreur, en commençant par quelque chose de « petit ». L’objectif est de se mettre en mode succès : ressentir qu’il est possible de reconnaître une erreur et de le dire. Puis, comme quand on apprend un sport ou un instrument, s’entraîner encore et encore.

 

Jean-Christophe Walter Jean-Christophe est responsable de l’offre leadership, coopération et management. Après une petite dizaine d'années passées chez Krauthammer, il vient d'intégrer CSP au printemps 2018. C'est un féru de triathlon...

 

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