Parité : "Bienveillance et patience sont les leviers de l'égalité"

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Le 18 juin, c'était notre appel à l'Egalité ! Avec le Think Tank Marie Claire, le Connecting Leaders Club, et sous les auspices de l'Unesco, nous avons remis au Gouvernement soixante propositions sur la parité femme-homme qui vont faire bouger les lignes dans l'entreprise et dans la société. Pour anticiper ce changement, nous avons invité quatre étudiants de l'ESSEC (deux filles, deux garçons) pour qu'ils nous livrent leur vision. Tom Journaux fait un constat implacable de la place des femmes aujourd'hui. Son lyrisme et son énergie font l'effet d'une belle promesse pour remporter les prochaines victoires.

 

 

Si je devais résumer cette journée d’autant riche en intervenant(e)s qu’en émotions, j'en garderai 4 idées majeures. Qui sont d’autant de remises en question. Ces idées, pour ne pas dire ces affligeantes constatations, dépeignent une réalité non seulement injuste et abrupte pour les femmes mais d’un conservatisme et d’une fermeture d’esprit égoïste bien plus profonds. Comme l’a bien exprimé, le président d’Équilibre et partenaire du Think Tank Marie Claire, David Mahé* lors de cette journée : « Nous devons passer d’une égalité formelle, qui dans l’ensemble a bien progressé ces dernières années, à une égalité réelle ».

En France, 90 000 viols par an

En effet, en mi-2019, il est encore navrant, inquiétant et finalement tout bonnement invraisemblable, d’apprendre que les violences physiques perdurent. Elles ne décroissent pas et restent même trop souvent impunies ou pire, cachées par les victimes elles-mêmes. Chaque année en France : 90 000 viols sont recensés et 60 000 femmes sont excisées ! Pratique cruelle qu’aucune culture ou religion ne peut justifier ! Personnellement, je la considère comme un crime contre l’humanité, contre l’essence même de la vie humaine et sensible. Or, il est effrayant de savoir que cela persiste encore dans le monde et que, même en France, nous sommes incapables pour l’instant d’y mettre un terme.

Nos sœurs, comme les autres femmes

Les violences sexuelles, ce sont aussi des proches, des sœurs, des amies qui pleurent toutes de retour de la victoire de l’équipe masculine de France de foot de la Coupe du monde (2018, Russie) car elles n’ont cessé de subir des attouchements durant les cortèges. Alors, on oscille entre une rage aiguë et un désespoir contagieux pour le monde dans lequel nous sommes contraints de continuer à vivre. Monde riche de ses magnificences entachées par l’arrogance narcissique de tout un chacun. Heureusement, certaines personnalités flamboient même quand elles ont subi des atrocités et ont la générosité de propager leurs auras bienveillantes. Elles nous permettent de lier les racines de nos sentiments à celles de nos énergies et de créer des ambitions fertiles et implacables. Je pense notamment à Flavie Flament*, animatrice de TV et radio, qui a été victime d’un viol alors qu’elle était mineure. Je pense aussi à Caroline Vigneaux*, ancienne avocate devenue humoriste. Flavie Flament témoigne de son histoire devant nous à l’UNESCO, bien qu’elle l’eût déjà fait au travers de son livre La Consolation (éd. J.-Cl. Lattès, 2016, 256 pp). Elle incarne un symbole pour représenter les thématiques de violences physiques et du traumatisme qui en est lié. Elle trouve aussi des moyens de réagir et même de pro-agir. Caroline Vigneaux, quant à elle, se montre incisive et parfois cynique, toujours avec beaucoup d’humour et un regard très honnête sur des faits pourtant atterrants. Lors de cette journée, elle a captivé et galvanisé l’auditoire, et par le rire, détendu légèrement l’atmosphère des témoignages pesants et indispensables à entendre.

Le sexisme est une violence sexuelle

En outre, les violences sexuelles ne sont pas toujours physiques. Elles peuvent être morales et psychologiques, à travers le sexisme. L’autre triste constatation que j’ai pu faire est donc l’omniprésence du sexisme et sa banalisation. Le sexisme reste parfois difficile à identifier car la plupart du temps, il ne se résume pas à une insulte ou à une remarque désobligeante… Selon Dominique Carlac’h*, du MEDEF, le sexisme apparaît quand par exemple « une femme devienne la caution d’un milieu trop masculin qui culpabilise ou l’atout charme d’une assemblée non-mixte et non-paritaire ». Ce ne sont que des exemples parmi d’autres. La définition que j’en fais à partir des discours que j’ai entendus, est qu’il s’agit de toutes les idées et stéréotypes qui ne sont pas directement contraignants mais ne font qu’enterrer un peu plus le sexisme imaginaire. Là où la frontière est parfois délicate, c’est que personne ne peut nier les différences biologiques, présentées par Claudine Junien*, professeure de génétique à l’INRA. Il y a 1,5% de gènes différents entre les femmes et les hommes. S’il existe une différentiation factuelle physique, comme au niveau des hormones ou des distinctions sexuelles (les menstruations, la gestation, etc.), d’autres ne le sont pas.

La construction du genre est culturelle

À titre d’exemple, les congés maternité ou paternité devraient muter en « congés parentaux » d’après Aurélie Feld, présidente de CSP - The Art of Training. Pour elle, il s’agit d’attribuer un congé dit parental et donc inclure les parents de même sexe dans ce dispositif. Il faut enterrer le congé dit paternel qui, de plus n’a qu’une durée de 11 jours. Sur le plan de la santé, un accompagnement de la Sécurité Sociale pour les menstruations et la contraception reste absolument nécessaire pour les femmes. Ce n’est qu’une moindre compensation des douleurs et gênes qu’elles vivent au quotidien.

Mais le sexisme ordinaire, lui, est partout et peu visible. Par exemple, l’idée qu’une femme en général serait plus « un adjectif » (calme, maladroite, tendre, etc.) qu’un homme. Si cela peut être vrai au cas par cas, ramené à l’échelle, cela est faux.

Ainsi, cette conséquence est de créer le plus grand obstacle dans la lutte pour l’égalité : le problème repose sur l’impact psychologique du fait que les femmes finissent par intérioriser ces stéréotypes aussi, le plus souvent malgré elles. Le mathématicien Cédric Villani* appelle ça le « déterminisme culturel ». Les notions de « sol collant » et de « plafond de verre » reviennent souvent et tous ces mots expriment la diminution de la confiance des femmes en elles-mêmes à cause de la société. Les notions de "sol collant" et "plafond de verre" désignent, bien sûr, aussi les difficultés supplémentaires tangibles qu’ont les femmes pour démarrer et progresser en société. C’est ce qu’illustre très bien le film Numéro Une de Tonie Marshall* (2017, avec Emmanuelle Devos). Marianne Mairesse, rédactrice en chef de Marie Claire, souligne que « même les femmes qui peuvent accéder au pouvoir sont traitées avec condescendance ». Mais ces notions illustrent ces tourments qui n’ont pas lieu d’être, et ce cruel manque de confiance en soi.

Vive les "role models" !

Pour résoudre cela, d’après la CEO de The bureau et co-fondatrice de la journée de la femme digitale, Delphine Rémy-Boutang*, il faut commencer par montrer l’exemple. Elle aborde la notion de « role model » qui, sous ce nom ou de manière plus abstraite, revient très souvent pour briser enfin ces clichés. Cela passe par des quotas : une femme présidente de la République, ou encore ériger d’autres statues de femmes au Sénat par exemple. Mais attention, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation et mettre à des positions des personnes qui ne seraient pas vraiment à l’aise. Cela ne ferait que desservir la cause des femmes et ralentirait le processus d’égalité en criant à une exception qui confirmerait la règle (sexiste).

Enfin, un problème où il ne devrait pas y avoir débat : les écarts salariaux injustifiables. À poste égal pour compétences égales, la société actuelle ne peut continuer de tolérer de telles divergences.

Le problème, c’est que cela reste assez tabou en France. Caroline Vigneaux*, a découvert au bout de cinq ans dans le même cabinet, qu’un garçon du même cursus qu’elle, au même poste, embauché la même année et qui vraisemblablement bossait moins, était payé 900€ de plus par mois. Elle déclare en rigolant cyniquement « on connaît maintenant le prix d’une bite ». Aujourd’hui en France, selon Marlène Schiappa*, secrétaire d’État chargée de l’Égalité et de la lutte contre les discriminations, il y a entre 9 % et 24 % d’écart de salaires entre les femmes et les hommes. Environ 42 % de différence entre les pensions pour les retraites d’après Olga Trotiansky*, présidente du laboratoire de l’Égalité. Dans la sphère des start-up, seulement 2 % des fonds levés sont pour des femmes d’après Delphine Rémy-Boutang*. Des énumérations difficiles à croire, pourtant réellement vécues par toutes et ce n’est même pas exhaustif. Rappelons simplement, que la mortalité des start-up dirigées par des femmes est deux fois moindre que celles menées par des hommes… simplement, parce qu’elles travaillent avec une vision à plus long terme.

La bienveillance et la patience sans abandon sont les clés

Pour conclure avec lucidité et engouement, d’après la fondation Bill et Melinda Gates, il faudrait encore 30 ans pour atteindre cette égalité dont nous rêvons tous. Aujourd’hui, aucun pays ne fait les efforts suffisants, pour porter l’égalité. D’après un rapport de l’OCDE, la France est 14e sur le sujet. Se contenter d’un « c’est bien » serait feindre tous les points abordés pendant la journée organisée par Marie Claire, et faire preuve de mauvaise foi. Marlène Schiappa parle du « mythe de l’égalité déjà là ». Pourquoi combattre des choses que l’on ne rend pas visibles ? Il faut alors battre en brèche ce mythe et montrer les changements, ainsi que les injustices encore existantes pour les contrer efficacement. De toute évidence, le négativisme, le pessimisme, le fatalisme et le conservatisme ne seront pas des amis dans cette lutte. Mais au vu des personnalités intéressantes présentes lors de cette journée de l’Appel pour l’égalité et des mesures proposées, il semble réaliste de croire en un avenir meilleur qui même se moquera bien de nos erreurs passées.

La bienveillance, la patience sans abandon et les propos inspirants en sont des clés. Pour Lisa Azuelos auteure du film Yolove, il est temps de « reconnecter avec son corps, commencer par le changement de soi. La parole se libère au travers d’ateliers et du vivre-ensemble. Apprendre le respect de soi, de l’autre, de l’empathie, cela doit se généraliser pour apprendre à connaitre et comprendre l’autre ».

Tom Journaux

David Mahé, président d’Équilibre @davidmahe_HWP

Flavie Flament, animatrice de TV et radio @FlavieFlmt

Caroline Vigneaux, ancienne avocate aujourd'hui humoriste

Dominique Carlac’h, porte-parole et vice-présidente du @medef, présidente @DetConsultants, Membre du Conseil d’Administration Solideo, présidente d’honneur @Conseils_Inno

Claudine Junien, généticienne à l'INRA

Cédric Villani, mathématicien, médaillé Fields, député de l'Essonne, (LREM) @VillaniCedric

Tonie Marshall, actrice, scénariste, réalisatrice.

Marlène Schiappa : secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations @MarleneSchiappa

Olga Trostiansky, Présidente du laboratoire de l’Égalité
@TrostianskyOlga

Delphine Rémy-Boutang, CEO de The bureau et co-fondatrice de la journée de la femme digitale @delphine

Lisa Azuelos, auteure du film Yolove @lisazuelos

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A lire, la série des articles publiés par les étudiants de l'ESSEC :

Parité : « Allons plus loin que les propositions du Think Tank Marie Claire » de Victoria Duley

Parité : "L'argent doit servir la cause de toutes les femmes!" de Sixtine Desmarchelier

Pendant une année, CSP The Art of Training a été sponsor du Think Tank Marie Claire aux côtés de L'Oréal, TF1, Radio France, Salesforce, Natixis entre autres. A ce titre, nous avons activement contribué à rechercher, et trouver, les meilleurs leviers pour favoriser la parité dans l'entreprise, dans la société en général. Pour tout savoir des travaux que nous avons menés, c'est sur le site CSP.
Les 60 mesures remises au Gouvernement sont à télécharger ici.
Les engagements de CSP The Art of Training-Lefebvre Sarrut.
L'entretien de Aurélie Feld, présidente de CSP The Art of Training, expliquant pourquoi cet engagement.

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