L’agilité ou l’art de mettre l’intelligence collective en action

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Quiconque évolue en entreprise a déjà entendu parler d’agilité. Il n’est pas rare qu’une équipe constituée en mode agile y mène un projet nimbé de mystère pour les autres collaborateurs… Si l’agilité répond à des enjeux de compétitivité et d’innovation, comment s’y retrouver entre management, postures et gestion de projet, agiles ? Pour mieux appréhender ces approches, CSP DOCENDI a réuni trois experts qui nous guident en agilité.

L’agilité : une capacité de mouvement et un état d’esprit

Pour comprendre le concept d’agilité et ses traductions opérationnelles, il faut les considérer dans le cadre d’un système – l’économie ou l’entreprise -, au sein d’un environnement turbulent. Le président du cabinet de conseil Agil’OA, Jérôme Barrand [1], explique ainsi que l’agilité peut se développer :

  • dans l’optique de la gestion de projets, que l’on souhaite agile – pour les informaticiens notamment ;
  • sous l’angle des comportements, managériaux et individuels ;
  • en termes de production – dans l’idée d’une flexibilité en entreprise ;
  • par le biais de l’organisation – en imaginant des structures organisationnelles accordant davantage d’autonomie ;
  • par le prisme de la stratégie – en tentant de libérer l’action stratégique de l’entreprise.

L’agilité correspond donc à une capacité de mouvement. Comme l’indique Thomas Flament, responsable du développement de la gamme Management de CSP DOCENDI, « l’agilité est avant tout un état d’esprit ».  

Le manifeste agile, une ligne de conduite pour la gestion de projet

En 1994, une étude évalue le taux de réussite des projets informatiques à environ 16% ! Comme l’explique François Fort, formateur Agile Scrum et Nexus [2], « les méthodes prédictives ou séquentielles de gestion de projet génèrent un effet tunnel délétère ». Client et développeur ne sachant précisément ce qu’ils veulent ou doivent faire, il faut attendre les tests qui suivent la longue phase de réalisation des spécifications pour que les problèmes soient identifiés. Désireux d’apporter une réponse à ces problématiques, 17 entrepreneurs de l’IT se réunissent en 2001 pour créer « le cadre [de développement] parfait ». Ils rédigent alors le Manifeste agile, basé sur quatre valeurs clés qu’ils déclinent en douze principes. Parmi ceux-ci, nos experts insistent sur la dimension de simplicité – minimiser la quantité de travail inutile [3]. Pour Thomas Flament, « travailler en agilité implique d’aller à l’essentiel ». Cela s’applique notamment aux niveaux de validation souvent pléthoriques dans les grands groupes. Autre dimension clé, la coopération, au sein d’une équipe projet ou entre collaborateurs, équipes et services. En agilité, les individus et les interactions passent avant le projet et les outils [4].  

Approches agiles : le projet considéré comme vivant

La gestion de projet et le management agile appréhendent l’agilité différemment. Dans la gestion de projet, le cadre est défini, avec une trame à suivre, des étapes et des rôles ; Scrum est le plus connu. Avec le management agile, on s’inspire du Manifeste pour s’approprier l’esprit agile. Certaines entreprises se focalisent alors sur l’adaptabilité, d’autres intégrant les dimensions de coopération, de réflexivité… Mais il existe des points communs. Le principal selon Thomas Flament, est de considérer le projet comme « vivant, en évolution constante, ni figé dans le temps ni déjà défini ». Pour permettre son développement, trois piliers de l’agilité entrent en lice. Jérôme Barrand les détaille.

  • La capacité de mouvement ou d’innovation :

-> L’innovation est ici définie comme  le fait de « faire quelque chose de différent qui apporte de la valeur » ; -> Elle prend sa source dans la proximité avec l’utilisateur – on pense utilisateur et fonctionnalités (à rapprocher de la première phase du design thinking, l’empathie) ; -> Elle est favorisée par les itérations, des cycles courts – la fin d’un cycle donnant lieu à un livrable fini.

  • L’anticipation des causes et des conséquences :

-> C’est à la fois la capacité à planifier son action et l’analyse des risques de rupture de son environnement à l’égard de ce que l’on a prévu de faire. – > C’est également la maîtrise de l’impact des conséquences des actions que l’on va mettre en place pour réagir à une situation donnée.

  • La coopération :

-> Aujourd’hui, plus personne ne peut créer de valeur, seul. L’innovation et l’anticipation des conséquences s’envisagent dans une logique de coopération et d’interactions. -> Ainsi le bon mouvement peut être réalisé, avec la bonne maîtrise des conséquences et dans le bon tempo.  

Construire l’agilité avec l’intelligence collective, la nourrir par les soft skills

L’intelligence collective s’entend comme la capacité d’un groupe à faire des liens avec son contexte. Dès lors, elle s’exprime notamment via l’anticipation et l’innovation. Sans le socle de cette intelligence, l’agilité serait impossible. Une large palette de soft skills est également sollicitée :

  • L’écoute active, qui nécessite d’être « présent » et de reformuler ;
  • La prise de parole ;
  • La capacité d’amélioration ;
  • L’empathie et la bienveillance, pour aider l’autre à s’améliorer.

Ce mouvement est réciproque car l’agilité favorise le développement des soft skills ! François Fort en témoigne : « Lors de la sprint review (scrum) où l’on présente les réalisations au client – souvent scénarisée pour en faire un show -, la progression des développeurs initialement réticents à l’exercice est stupéfiante en termes de confiance en soi. » Les postures agiles s’appuient elles aussi sur les soft skills. Différentes vues sous l’angle managérial ou dans le cadre méthodologique Scrum, elles consistent :

  • Pour le manager –

-> à veiller à ce que les collaborateurs ne manquent de rien et à ce qu’aucun travail « habituel » ne leur soit confié durant leur mission (scrum) ; -> à se comporter comme un manager-coach qui coordonne l’équipe et accompagne les collaborateurs dans l’amélioration de la performance (management) ;

  • Pour les équipiers ou collaborateurs –

-> à se montrer responsables, à communiquer en face-à-face et à s’engager sans qu’un micro chef de projet ne répartisse les tâches (scrum) ; -> à adopter des postures proches de celles des équipiers, avec un moindre degré d’autonomie (management).  

Un artisanat très tech pour remettre le plaisir au cœur du « faire »

L’agilité recourt aux nouvelles technologies (outils digitaux open source notamment) mais aussi aux post-it, au découpage, aux dessins… Elle privilégie le travail en sensation de flow [5] pour un maximum de productivité et un bien-être au travail accru. On se rapproche d’une forme d’artisanat car l’on y retrouve le plaisir de « faire » – un plaisir personnel mais aussi l’envie de faire plaisir, au client ou à l’équipe. À l’opposé des organisations traditionnelles où les collaborateurs se consument parfois sur des projets complexes, l’agilité s’attache à constituer des équipes se déployant dans la durée. Caractéristiques du cadre méthodologique Scrum et condensés sur deux à quatre semaines, les sprints offrent ainsi des « ressources » de temps supérieures à celles que l’on considère comme nécessaires.  

Des approches agiles qui révèlent l’impact du savoir-agir sur la performance

Après avoir pointé le savoir-faire puis le savoir-être, le curseur des compétences vise désormais le savoir-agir – « la capacité à mobiliser savoir-faire et savoir-être en les ajustant au contexte » tel que Jérôme Barrand le définit. Cette connexion va générer un gain de performance en minorant le risque de voir celle-ci altérée par un manque d’information, un trop grand isolement ou des lacunes de l’intelligence collective.

Principe de la délégation Ricochet (pratique managériale agile).

Certaines pratiques managériales agiles y concourent également. Deux exemples, mis au point par Thomas Flament de CSP DOCENDI [6] :

  • La délégationRicochet

Pour rendre son équipe autonome dans l’animation de réunions par exemple, on forme chaque membre sur une partie de la tâche plutôt que les former sur la totalité (préparation de réunion ; animation ; compte-rendu et suivi). Moins chronophage pour le manager, cette pratique permet de rendre chaque collaborateur spécialiste d’un thème en particulier. Ensuite, l’équipe s’auto-apprend, chacun formant les autres à sa spécialité.

  • Les réunionsÉclipse

Inspirées des réunions dans les hôpitaux américains où les problèmes survenus au bloc opératoire sont abordés, ces rencontres réunissent l’équipe tous les deux mois, les difficultés rencontrées dans l’activité ou dans l’avancement de la gestion de projet étant alors partagées. Une réflexion collective est menée sur leur résolution pour les prochains projets. Le feedback et la remontée d’informations sont favorisés. Tout en permettant au collaborateur de ne pas s’identifier à son échec, on crée ainsi une richesse d’apprentissage collectif.   Des puristes de l’agile, spécialistes de la gestion de projet, aux adeptes d’un esprit agile plus impressionniste, il existe de multiples variations. Moyennant une meilleure compréhension et un déploiement plus pertinent (quelle que soit l’approche choisie), l’agilité a encore beaucoup à apporter à des entreprises en quête de performance, favorisant également la recherche de sens et le bien-être des collaborateurs. Qu’on se le dise : l’agile n’en est qu’à ses prémisses !  

[1] Professeur à Grenoble École de Management, directeur de l’Institut d’Agilité des Organisations, Jérôme Barrand a créé l’Agile Profile, un outil d’évaluation des softs skills de l’agilité. Il a publié Le manager agile aux éditions Dunod (3e édition, 2017).
[2] François Fort est également sourceur de développeurs.
[3] Source : le Manifeste agile.
[4] Source : le Manifeste agile.
[5] Le flow (flux) qualifie l’état mental d’une personne plongée dans une activité, à un niveau maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction dans l’accomplissement de cette activité.
[6] Avant de rejoindre l’organisme de formation CSP DOCENDI, Thomas Flament a eu une activité d’entrepreneur avec Aeltaria, un cabinet de formation en management et communication sensible, spécialisé dans la simulation.

 

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