L'adaptabilité professionnelle, soft skill n°1 dans un monde qui change

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Le 21e siècle est celui de l’accélération digitale et de l’innovation technologique en continu. Celui de la diversification des missions pour une même fonction et des environnements professionnels en mutation. Pour relever ces défis, une compétence s’avère clé : l’adaptabilité professionnelle. Sur quoi repose-t-elle et comment la développer ? Peut-on s’adapter au changement sans douleur ? CSP Docendi lance l’exploration.

 

Adaptabilité professionnelle : de quoi parle-t-on ?

Commençons par une définition proposée par le Professeur Mark Savickas en 1997 : « On nomme adaptabilité professionnelle l’ensemble des ressources et moyens mobilisables par un individu pour explorer les possibilités, prendre des décisions et planifier des actions en vue de réaliser des objectifs professionnels ». Bien cerner cette notion et la compétence qui en découle implique de partir du monde de l’entreprise, en évolution permanente : de nouvelles régulations remplacent les anciennes voire parfois se juxtaposent ; les injonctions sont incessantes ; les changements de stratégie se multiplient. L’agilité des managers face au changement devient clé pour la survie des organisations. Pour l’ensemble des collaborateurs, l’adaptabilité professionnelle se fait décisive en vue d’assurer employabilité et bien-être. La coach et ex-formatrice docendi Lorraine D’Huart [1] insiste pour sa part sur la dimension de réactivité et d’autonomie induite par l’adaptabilité professionnelle. « Il s’agit d’accepter l’évolution de certains paramètres au fur et à mesure, et de développer son propre mode d’ajustement. Certaines choses peuvent être contrôlées, d’autres seront mises en place au fil des évolutions. Les priorités changent et chacun doit pouvoir réactualiser les siennes à son niveau. » Concrètement, comment nos capacités d’adaptation sont-elles challengées ? Sachant que nous en disposons tous, « bien que nous soyons sans doute davantage câblés pour conserver nos habitudes que pour changer [2] ». La résistance au changement est un mécanisme naturel. 

Source : Project Management Institute (PMI) de Montréal. Par Corinne Prost, spécialiste  en  développement  du  Talent  et   Chargée  de  cours  en  comportement  organisationnel  à HEC Montréal.

  La mise en œuvre de nouvelles méthodes organisationnelles, le fait de fixer de nouveaux objectifs ou la nécessité de maîtriser de nouvelles compétences techniques ou interpersonnelles, viennent rencontrer nos valeurs personnelles, nos sources de motivation, nos compétences ou nos préférences comportementales. Cela peut donner lieu à un antagonisme profond générateur de stress. Nous déployons alors des stratégies défensives [3] pour nous protéger du changement.  

Quel est le "schéma" de l'adaptabilité professionnelle, pour développer des stratégies positives y compris en cas d'opposition ?

Partageons à ce stade une grille d’analyse [4] de l’adaptabilité professionnelle. Plusieurs « étapes » vont concourir à l’atteinte de l’objectif final – intégration de nouvelles pratiques, maîtrise de nouveaux outils, etc.

  • La première consiste à situer le changement attendu dans une perspective de sens. Elle nécessite la mobilisation de nos capacités cognitives et affectives ainsi qu’une prise de recul.
  • La deuxième conduit à « se reconnaître » et à se positionner par rapport au changement. De quelles ressources disposons-nous pour agir dans un contexte de changement ? Que devons-nous développer ? Quel sera le positionnement cohérent avec ce qui nous anime ?
  • La troisième porte sur l’identification de solutions et leur mise en œuvre. Nous sommes alors capables de nous concentrer sur les actions à mener et d’y mettre toute notre énergie.

Connaître cette grille, répondre aux questions personnelles qu’elle nous pose, permet d’adopter une stratégie positive face à une situation ou injonction donnée. Selon les cas, nous procéderons par convergence (en faisant des compromis et en nous attachant à ce qu’il est possible de faire), par assimilation (en demandant de l’aide pour résoudre ce que l’on ne sait pas faire et du soutien émotionnel pour retrouver de l’énergie) ou par accommodation (en éliminant les facteurs de stress externes, en se ménageant des respirations et en activant l’entraide durant la période difficile). En cas de divergence, nous tenterons d’interpréter la situation autrement, de trouver des solutions alternatives tout en formant des alliances.  

Plusieurs soft skills jouent un rôle clé dans l'ajustement au changement

Pourquoi est-il si délicat de modifier nos réactions face au changement ? C’est sans doute parce qu’elles résultent d’émotions. Or, combien sommes-nous à véritablement maîtriser leur langage ? En nous permettant d’identifier nos propres émotions et celles des autres, de recourir à des émotions-ressources ou de répondre de façon appropriée à tel ou tel comportement, l’intelligence émotionnelle constitue l’un des socles de l’adaptabilité professionnelle. D’autres compétences entrent en jeu :

  • La connaissance de soi ;

Il s’agit là d’un autre socle de l’adaptabilité professionnelle. Comment parvenir à s’adapter si l’on ignore les valeurs personnelles et sociales, les schémas et les croyances qui nous guident ?

  • L’ouverture d’esprit et la curiosité ;

Aptitudes plutôt que compétences à part entière, elles peuvent néanmoins se muscler ! Plus on pratique, plus elles performent !

Décisive pour protéger notre intégrité et in fine notre santé, dans un contexte d’injonctions réitérées, elle implique de prendre soin de soi. Nous pouvons l’accroître en nous entourant (relations interpersonnelles) et en capitalisant sur nos réussites, petites ou grandes.

  • La capacité d’apprendre à apprendre.

Cette dernière s’avère indissociable de l’adaptabilité professionnelle ; l’une n’existe pas sans l’autre. Apprendre à apprendre permet de rester en contact, en permanence, avec ce qui nous entoure. Pour les managers, il est indispensable de faire preuve d’écoute active vis-à-vis de leurs équipes. Impossible en effet de déployer les leviers managériaux appropriés sans être connecté à celles-ci.  

Côté managers : l'adaptabilité professionnelle permet de développer un mode de management stimulant

Dans un contexte d’américanisation généralisée, les strates hiérarchiques diminuent dans les entreprises. « Le dirigeant n’est plus le N+10 ou N+15 mais le N+5 ou N+8, souligne Lorraine D’Huart. Ce qui semble séduisant au premier abord induit des évolutions de carrière plus limitées au sein d’une même structure. » Difficile dans ces conditions de fidéliser les collaborateurs ! Dès lors, le manager joue le rôle de tampon entre l’organisation et les individus. Il doit faire preuve d’adaptabilité professionnelle pour soutenir à la fois la politique de l’entreprise, ses changements incessants, et les besoins légitimes des salariés. La vision qu’il est capable de porter et de communiquer nourrit le sentiment d’appartenance de ses équipes. « Celles-ci sont souvent constituées de jeunes collaborateurs qui ont besoin de cadres etc. et de moins jeunes qui, dans un environnement en constante évolution, ne sont plus les experts qu’ils étaient auparavant. » Tous doivent être accompagnés, motivés, disposer d’objectifs clairs en vue d’un engagement plein et entier.   4 possibilités s’offrent au manager pour pratiquer le management-coaching devenu le mode de management le plus pertinent.

  • Se montrer directif en cas d’intégration d’un nouveau collaborateur, de démarrage d’un nouveau projet, d’initiation d’un nouveau process, dans une perspective de cadrage.

Le collaborateur ou l’équipe sont ainsi rassurés, sécurisés, par des directives précises.

  • Manager de façon persuasive en encourageant l’individu ou l’équipe – en analyse transactionnelle, cela équivaut à se comporter en parent nourricier.

Le manager multiplie les signes de reconnaissance à destination du collaborateur ou de l’équipe, qui réalisent qu’ils savent faire ou peuvent faire. Il renforce et stimule la confiance en soi de chacun.

  • Déployer un management plus participatif.

Le manager donne la parole aux individus pour qu’ils partagent leurs points de vue, il se met au même « niveau » que ses équipes.

  • Recourir au management de délégation, lorsque l’individu ou l’équipe savent faire et osent faire.

Ces 4 possibilités s’inscrivent dans une évolution logique dans la durée. Mais de nombreuses perturbations peuvent se produire ! Exemple : une personne se sent compétence le jour 1 mais plus du tout le jour 2 en raison de problèmes personnels ; elle ne sait plus faire et a de nouveau besoin de cadres. Pour un manager, l’adaptabilité professionnelle est la capacité à jouer de ces différents leviers managériaux selon l’état de connaissances et d’être de ses collaborateurs ou équipes.   L’adaptabilité professionnelle s’avère également indispensable au manager pour faire face aux exigences de l’organisation : changements récurrents de stratégie ; injonctions de performance ; nécessité de produire des résultats à court terme – entre autres. Le manager du 21e siècle doit pouvoir naviguer avec fluidité dans cet environnement instable ; cela nécessite d’anticiper. « Si un nouveau logiciel doit être mise en place dans 3 mois, le manager va déterminer à l’avance quel collaborateur sera capable de se l’approprier rapidement afin de jouer le rôle d’ambassadeur – et/ou de formateur – auprès des autres membres de l’équipe. » L’adaptabilité professionnelle permet de jouer des rythmes et du comportement des personnes, tout en gardant le cap et en se montrant « visionnaire ».  

Appartenant à la grande famille des soft skills, l’adaptabilité professionnelle se nourrit de plusieurs d’entre elles. Si nous ne sommes pas tous équipés de manière identique à cet égard, chacun de nous peut la – et les – développer. Charge à l’entreprise d’offrir un cadre suffisamment sécurisant pour les managers et collaborateurs afin qu’ils puissent y procéder. Charge à elle également d’identifier cette dimension comme l’une des priorités des prochaines années en vue d’accroître la performance.

 

[1] Formatrice docendi de 2009 à 2015, Lorraine D’Huart est à la fois consultante, coach, animatrice et thérapeute comportementale. Actuellement, elle accompagne essentiellement des jeunes de 15 à 25 ans. Son parcours compte 25 ans de conseil ainsi que la co-création puis le développement d’une agence de communication institutionnelle et financière.
[2] Citation du coach Claude Bouyer.
[3] Exemples de stratégies de défense : ignorer le problème ; ruminer ses idées ; se réfugier dans la plainte ; éviter les contacts ; se faire des reproches ; se montrer agressif.
[4] Grille conçue par Corinne Prost, HEC Montréal.

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