Sans estime, le droit à l'erreur est une double-contrainte

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Dans le monde du travail, le « droit à l’erreur » est perçu comme « permission nécessaire sur le chemin de l’innovation ». Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises françaises cherchent à infléchir des pratiques managériales trop culpabilisantes. Elles sont prêtes à laisser s'exprimer "l’initiative", "la créativité" de chacun. Pas aussi simple sur le terrain; les managers étant pris entre le marteau de la performance et l'enclume du test and learn.

« Je ne perds jamais ; quand je ne gagne pas, j’apprends » (N. Mandela), « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté » (W. Churchill)… Ce genre de mantras parsème les écrits sur le management moderne et les murs des entreprises éclairées. Si l’intention est belle, la réalité n’est pas aussi rose. Souvent, il reste un fossé dans lequel le salarié peine à trouver ses marques. Il en résulte souvent une impression de double-contrainte : « on me demande d’être créatif à grands renforts de ‘ne t’en fais pas si ça ne fonctionne pas du premier coup’, et en même temps, les contraintes liées aux procédures souvent d’une lourdeur injustifiée sont maintenues. Comment puis-je m’y retrouver ? »

Question de survie

Comment alors expliquer la persistance de ce hiatus très franco-français à l’heure où l’innovation devient un enjeu vital pour nombre d’organisations ? Les activités se transforment : de simples et prévisibles (accomplissement d’une tâche donnée via un processus prédéfini, de plus en plus automatisé), elles deviennent complexes (de nature heuristique, elles font appel à la créativité, à l’agilité). Il devient évident que sur le chemin de l’innovation disruptive permettant de faire une percée dans un environnement hyperconcurrentiel, le fameux droit à l’erreur devient indispensable. Aussi, si les autorisations officielles à faire des erreurs ne suffisent pas à lever la crainte du châtiment pour libérer les énergies, c’est qu’il faut chercher ailleurs les causes d’une forme d’aversion à ce qui n’est pas parfait, ou simplement réussi. En fait, c’est simple : persiste dans l’imaginaire collectif l’équation : erreur = échec. Oui et après ?

Question de point de vue

Échouer, c’est en rapport avec un résultat attendu. L’erreur peut en effet nous détourner de ce résultat, ou simplement le retarder. Est-elle pour autant un échec ? Sans « erreur », Christophe Colomb n’aurait jamais découvert l’Amérique ! Comme nous l’avons vu dans un article précédent, la tarte tatin, le champagne, l’imprimante à jet d’encre, le post-it… n’auraient jamais été inventés ! En d’autres termes, la permission de l’erreur, telle que prônée dans des environnements bienveillants, est entendue au niveau intellectuel, cognitif. Tout le monde comprend bien pourquoi il devient primordial de déculpabiliser l’erreur. L’est-elle également à un niveau plus subtil, émotionnel ? A observer certains environnements professionnels français (considérant la difficulté qu’ont certains à prendre la parole en public, à se montrer assertif…) il faut croire que non, en effet ! La crainte de se tromper reste bien tenace et façonne encore de manière excessive nombre de décisions et comportements professionnels trop sages ou pire, conventionnels.

La force du langage dans la perception de l’erreur

Comment pourrait-il en être autrement quand le langage lui-même (à coups de : « j’ai été nulle dans ma présentation », « c’est un bras cassé », « je suis un raté », etc.) retranscrit une confusion entre ce que nous faisons (rôle/mission) et ce que nous sommes (identité). Lorsque l’identité est affectée, le statut l’est par voie de conséquence. « Si je suis nul, comment pourrais-je être un bon manager/expert/collègue… C’est tout simplement impossible ! ». A travers une fiche de poste et des attributions, l’entreprise agit au niveau du statut, du rôle ou de la mission. Elle n’a qu’une prise très limitée sur l’identité. Agir sur l’identité devient un travail de fond, qui relève de l’intime et dépasse largement le cadre professionnel.

Admettre l’erreur, l’apanage des managers avisés

Le manager avisé le sait. Il cherche à identifier les messages contraignants ("sois fort", "sois parfait", "fais plaisir") qui influent sur son comportement en état de stress. En sachant reconnaître ses propres erreurs et en continuant à s’estimer malgré elles, il autorise implicitement chacun à passer à l’action. Son équipe peut alors se reconnaître en lui et s’approprier ses valeurs. Nous sommes loin de l’obsession pour une exemplarité sans tâche qui ne leurre plus personne ! Nourrie de cette sécurité, la confiance peut essaimer dans l’équipe, puis dans l’organisation. L’estime restaurée, les stigmates d’une éducation à coups de « verre à moitié vide » et de « peut mieux faire », peuvent alors s’estomper. A l’image du jazzman lors d’une jam session, le manager avisé est celui qui apprend à composer avec les revers de fortune pour grandir de ses erreurs. Ce faisant, il invite chacun à faire de même. Par-delà le « droit à l’erreur », il incarne le goût du risque et invite à la libération des forces vives dans son équipe.

Alex Fébo - CSP

 

Alex Fébo Alex Fébo est maître-Praticien en PNL, certifié en sophro-relaxation et formé en analyse transactionnelle et communication non violente. Il est aussi consultant en développement personnel et en communication.

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