« Les émotions sont déjà dans l’entreprise ! Elles demandent à être partagées chaque jour !"

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Dans ce long entretien, Clotilde Audin nous révèle la richesse des échanges que les émotions extraient des participants. Délicieux voyage entre matière brute et extrême délicatesse.

 

Depuis combien de temps formez-vous des managers à l’intelligence émotionnelle (IE)?


Clotilde Audin Former est pour moi, un mot que j’emploie peu, même si le fait d’animer des formations parle à tous et toutes. Je préfère les termes « accompagnement », « l’ouverture à la réflexion », « jardinage » (pour cultiver son IE). Et pour répondre à la question, il me semble que cela fait cinq ans à présent… que le temps passe vite !

Est-ce que le concept de l’IE devient de mieux en mieux accepté ? Subsiste-t-il toujours un doute parmi les participants ?
Cl. A.
Par principe, il est nécessaire que le participant vienne de son plein gré. Il arrive encore, exceptionnellement, que des stagiaires soient « fortement » invités à participer au module. Lors des échanges sur les objectifs de chacun, il apparait que parler d’émotions met mal à l’aise. En fait, les émotions ont été laissées de côté pendant de trop nombreuses années. Elles ont été jugées inutiles voire ressenties comme un état de faiblesse. Les participants évoquent le fait d’être cartésiens, rationnels, logiques… comme pour se protéger de l’univers émotionnel. Le doute, les peurs sont là, mais aussi également l’envie de découvrir et d’avancer. Concrètement, l’entrée en matière du premier jour sert à tisser les liens, à se détendre, jouer et se faire réciproquement confiance…

Quelles sont les évolutions les plus spectaculaires que vous ayez vues pendant les jours de formation ?
Cl. A.
"Spectaculaires » ? (Rires). J’opte plutôt pour des « moments forts ». Chaque expérience de l’IE est différente en fonction des personnes, du groupe et des richesses de chacun. J’aime amorcer le fait que nous sommes sur un terrain d’expérimentation et découverte de soi à travers les autres. Se découvrir, est à mon sens, le fait de prendre conscience de sa nature véritable, des jeux de protection et de communication voilée que l’on met en place. Lors de la fin de la première journée, je me souviens qu’une personne a partagé le fait de s’être demandé si elle était bien à sa place dans cette formation… Il y a eu un petit silence... Puis, a repris en soulignant qu’elle acceptait d’y être totalement. J’apprécie souvent de voir la gent masculine s’approprier les émotions en y voyant l’intelligence dont elles regorgent. Certains ont pleuré, d’autres ont eu les yeux scintillants de découverte…
Les prises de conscience sont riches dès lors que les barrières de protection tombent à leur rythme, que les croyances laissent place à un espace de confiance en soi et de sécurité intérieure. Ce sont ces prises de conscience qui sont déjà le premier pas… Le temps ensuite fait son œuvre et les pratiques que chacun emporte et met en œuvre.

Lors de cette formation, l’intimité de chacun est très sollicitée… est-ce que cela est toujours bien reçu ?
Cl. A.
La mise en bouche le matin du premier jour est importante. Elle est le lieu de la mise en confiance les uns avec les autres. Un cadre de bienveillance et de respect est posé et validé par tous. Une dose d’humour, de confidentialité et surtout de liberté de faire ou pas, de partager ou pas, même si l’invitation est faite. Certaines personnes s’invitent en filigrane dans l’intimité de leurs ressentis et vécus, d’autres y mettent les deux sabots. À la fin des trois jours, l’authenticité et les partages sont félicités, il est alors indéniable que cela fait grandir et offre de la profondeur. Parfois, cela peut être mal vécu car les protections ont la peau dure. J’ai souvenir d’un module pendant lequel j’ai dû batailler pour que les émotions se mettent en lumière. C’est le dernier jour que les barrières se sont ouvertes ! J’ai conscience des enjeux… ouvrir son livre est délicat, surtout face aux autres. Découvrir que les émotions sont une force devient un espace sacré qui donne du sens. Cela demande du temps, de la pratique, pour accueillir au même niveau ses limites et ses forces.

Comme il est de coutume, vous laissez la possibilité aux participants de vous joindre. Avez-vous des retours dans leur vie personnelle/en entreprise ?
Cl. A.
Oui, je propose effectivement un « service après-vente »… à vie d’ailleurs ! Devenir qui l’on est demande une vie entière et savoir que l’on peut poser ses interrogations, partager ses expériences me semble normal. Pour ce faire, je propose une photo de groupe le dernier jour. Elle est une empreinte de nos partages, des vécus agréables. Si chacun le souhaite, cela permet aussi de communiquer nos emails. J’ai souvent des retours du groupe et des retours individuels… parfois 2 ou 3 ans après, me donnant des nouvelles ou m’informant des avancées.

Enfin, pouvez-vous dire que les émotions ont leur place dans l’entreprise ?
Cl. A.
En fait, ce qui me fait rire, c’est que les émotions sont déjà présentes dans l’entreprise et à chaque instant. Une surcharge de travail, une dead line, par exemple, créent une émotion, comme de la peur ou de la tristesse… Plus généralement, c’est le changement qui les fait naître. Alors oui, plus que jamais, elles ont leur place au sein de l’entreprise. Plus elles y sont niées, plus elles créent du désordre, du mal être et des maladies. Elles demandent à être écoutées, investies, vécues, communiquées et partagées chaque jour. Les émotions deviennent la lumière du « qui je suis » avec moi-même et avec les autres. En entreprise et ailleurs…

Comment l’intelligence émotionnelle peut améliorer ses relations avec soi et les autres
Des exemples dans le cadre professionnel…
* Un an après sa formation, Madame R. m’a envoyé un mail. Elle disait qu’elle avait pris conscience de ses croyances et protections, des besoins qu’il était nécessaire de nourrir. Plutôt que de se laisser emporter dans une dépression, elle s’est invitée à répondre à ses rêves et à emprunter une nouvelle voie professionnelle qui lui convient et dans laquelle, aujourd’hui, elle s’épanouit.
* Monsieur Z. a amélioré son relationnel avec son manager avec lequel les projets devenaient délicats à mener ; la communication étant constamment houleuse. À ce jour, les choses ont été mises à plat et le binôme fait preuve d’une complicité permettant des réalisations de projets plus significatives et efficaces.
* Pendant une formation, Madame B. avait partagé sa prise de conscience sur la communication de son corps qu’elle n’avait pas voulu écouter. Elle a fait une chute et a dû s’arrêter plusieurs semaines.
Dans le cadre personnel :
* Il y quelques années, une participante souligné avoir « une dent » envers une personne de sa famille. Des interprétations plutôt qu’une considération des faits avaient cultivé en elle une colère, de la mise à l’écart et de l’incommunication. Comprendre les besoins, mettre à distance et communiquer lui ont permis la réconciliation et le renfort des liens avec sa belle-fille.

Propos recueillis par Nadia Ali Belhadj - CSP


Clotilde Audin Issue de l’entreprise sur les métiers du marketing, et de la communication, Clotilde intervient sur la gestion du stress, l’assertivité, l’intelligence émotionnelle et la prise de parole en public notamment avec la richesse de la transversalité des approches humaines.

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