Recrutement : comment objectiver l’évaluation des soft skills des candidats ?

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Nombre d’organisations ont pris conscience du rôle décisif des soft skills pour opérer en contexte incertain. Les reconfigurations de l’organisation du travail résultant de la crise sanitaire y ont d’ailleurs contribué[1]. D’où le souhait des employeurs de mettre l’accent sur les compétences émotionnelles, comportementales et cognitives, dans leurs processus de recrutement. Une volonté affichée qui s’accompagne de quelques défis : être en mesure d’identifier précisément les soft skills recherchées, et réussir à objectiver leur évaluation. Notre enquête.

Pour bâtir un process de recrutement basé sur les soft skills, il convient de disposer d’une définition partagée

Pensée analytique et innovation ; apprentissage actif et stratégies d’apprentissage ; résilience, tolérance au stress et flexibilité : d’après le dernier rapport Future of Jobs du Forum économique mondial, ces compétences font partie du top 10 à prioriser par les entreprises d’ici 2025 pour faire face à l’évolution des métiers et de l’environnement de travail[2]. Si l’importance à accorder aux soft skills donne désormais lieu à un large consensus dans le monde professionnel, la pertinence de telle ou telle dépend à la fois du métier envisagé, de l’entreprise dans laquelle il s’exerce et du contexte concurrentiel de cette dernière - notamment. Dès lors, les organisations vont devoir en privilégier certaines lors de leurs processus de recrutement. Et dès ce stade, un premier défi les attend : clarifier ce qu’elles entendent par « soft skills ». Comme l’expliquait récemment Jérémy Lamri, directeur du pôle Recherche et Innovation de JobTeaser, « il n’existe pas de conception commune ». Chaque recruteur a donc tendance à opter pour sa propre définition, ce qui ne facilite pas l’identification chez les candidats. Jérémy Lamri conseille, dans un premier temps, de distinguer ce qui relève des compétences émotionnelles, comportementales et cognitives, des traits de personnalité tels que l’extraversion par exemple. Si celle-ci peut favoriser l’expression de  certains soft skills (la communication ou le leadership, entre autres), il ne s’agit pas d’une compétence à part entière. En phase de recrutement, les entreprises ont également intérêt à s’attarder sur plusieurs points pour mettre en lumière les soft skills :

  • la capacité d’intégration du candidat dans l’équipe et l’organisation,
  • son potentiel d’adaptation au poste visé et, plus globalement,
  • son « adéquation » à la culture managériale, au fonctionnement de l’équipe et à celui de l’entreprise.

Une autre approche consiste à définir les soft skills recherchées en partant du business model de l’organisation et de ses atouts concurrentiels. L’implication des managers se révèle alors très utile pour préciser les compétences les mieux adaptées à ce positionnement stratégique. Sur cette base, les compétences-cibles sont déclinées en comportements observables, qui devront s’exprimer dans le poste.  

Quel type d’informations peut-on retirer du CV et de l’entretien, informel ou structuré ?

Certes, la fiabilité prédictive de la réussite d’un candidat à un poste donné plafonne à 30% pour l’entretien structuré et 15% pour l’entretien informel, n’atteignant que 10% dans le cadre du CV. Il n’en reste pas moins que certaines informations sont détectables via cette présentation écrite. Le candidat peut en effet mentionner des aptitudes ou compétences professionnelles (rigueur, sens du travail en équipe, leadership…) méritant d’être explorées par la suite. La forme même du CV, tout comme les expériences mises en avant, donnent de premiers indices : la personne apparaît plus ou moins structurée, curieuse, polyvalente, etc. Lors de l’entretien, la posture et l’attitude du candidat vont permettre de repérer plusieurs signes évocateurs, à « investiguer » par le recruteur. Attention toutefois à ne pas succomber aux biais cognitifs – biais de confirmation, effet de halo, biais culturel ou autre effet de contraste ! En contexte de recrutement, il est important que la ou les personnes « à la manœuvre » en aient connaissance ; il leur est ainsi plus facile de s’en prémunir – autant que possible - en opérant à plusieurs par exemple, ou encore en se faisant régulièrement « l’avocat du diable ». Sachant que les biais ne sont pas exempts non plus de l’IA et des algorithmes de recrutement, de plus en plus utilisés par les entreprises pour traiter de gros volumes de candidatures.  

Combiner les méthodologies et la mise en perspective permet d’optimiser les processus de recrutement dédiés aux soft skills

La gamification monte en puissance pour évaluer ce type de compétences, offrant un visage « tendance » à des approches plus classiques – tests psychométriques standards de raisonnement, tests de jugement situationnel ou de personnalité, etc. L’évaluation peut par exemple s’appuyer sur des escape games, avec des énigmes faisant appel à la capacité à sortir du cadre ou à prendre des décisions en contexte d’incertitude. Un point de vigilance néanmoins : la dimension ludique ne correspond pas à tous les candidats… Une autre façon d’appréhender les soft skills est l’entretien vidéo différé, structuré autour d’une liste de questions prédéfinies. Certaines d’entre elles sont alors dédiées aux compétences émotionnelles, comportementales et cognitives. On s’assure ainsi que ces dernières soient bien abordées – et prises en compte – par le recruteur ; celui-ci peut en effet ne pas disposer du temps nécessaire pour les traiter toutes, lors d’un entretien classique. Autre avantage : la comparaison « naturelle » des candidats, lesquels ont tous répondu aux mêmes questions. Avec l’entretien vidéo différé, on cible davantage la personnalité, le comportement et les leviers de motivation. Or c’est bien la « rencontre » de différents facteurs qui permet l’expression des soft skills en contexte professionnel. Dans cette perspective, le questionnaire d’évaluation de la dynamique comportementale élaboré par Monkey tie[3] et l’Institut de Neuro-Cognitivisme prend notamment en compte la situation (stress ou inconfort), le contexte organisationnel (culture managériale) et les facteurs de motivation profonds. Par ailleurs, depuis quelques années, les Assessment Center se dotent d’outils « prédictifs » pour renforcer encore leurs services. Au-delà de l’observation des comportements, associée à une multi-évaluation nourrie de mises en situation professionnelles, d’entretiens structurés et de tests psychométriques[4], algorithmes et Machine Learning sont désormais mobilisés. Les profils des candidats sont ainsi croisés avec ceux de millions de personnes en poste. Cela permet de « prédire » leurs comportements, motivations et soft skills futures. Sachant que la fiabilité prédictive est de 63 % dans le cadre de ce type d’évaluations. Un bémol toutefois : le recours à un Assessment Center requiert à la fois du temps et des moyens.  

En 2021, les compétences techniques demeurent plus aisées à identifier que les soft skills. Est-ce la rareté de ces dernières qui est en cause, ou une moindre acculturation des recruteurs à leur égard ? Si un appui technologique s’avère précieux, c’est par une analyse précise des compétences attendues pour le poste et dans l’entreprise en général (moyennant un consensus interne sur la définition des soft skills) et par une combinaison d’approches d’évaluation, que l’écueil de l’arbitraire pourra être définitivement levé.   

    [1] À cet égard, consulter l’infographie Les soft skills en 2021 : 5 tendances clés, issue du 1er baromètre annuel des soft skills réalisé par CSP DOCENDI. [2] Les soft skills mises en exergue par les différentes enquêtes réalisées, diffèrent. Ainsi, pour le jobboard Monster, la fiabilité, le travail en équipe, la résolution de problèmes et la flexibilité seront les 4 compétences les plus recherchées par les recruteurs à l’avenir. [3]  Nicolas Morel a fondé You-Trust, spécialiste de l’évaluation et de la recommandation des candidats sur la base des soft skills. Fin 2018, You-Trust a racheté la société Monkey tie, experte de la mobilité interne et du recrutement grâce à sa solution de matching affinitaire. La société se développe désormais sous la marque Monkey tie. [4] Des tests individuels, en binôme ou collectifs.

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