Auditeur interne : un métier en profonde mutation

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Dès 1987, avec l’avènement des référentiels internationaux de la série ISO 9000, les entreprises ont dû intégrer dans leur organisation ces nouvelles normes et, avec elles de nouvelles exigences. C’est dans le cadre de ces démarches qualité que le concept d’audit se développe, avec comme principal objectif la vérification de l’application des procédures au sein d’une entité. A cette époque, il s’apparente beaucoup à de l’inspection. Depuis, les auditeurs ont gagné en maturité. Les entreprises se sont aperçues que les résultats des audits perdaient en efficacité car les procédures étaient toujours appliquées et auditées de la même manière. En cette période de morosité économique, les entreprises s’interrogent d’autant plus sur les moyens d’améliorer les méthodes de travail et de maitriser les risques. L’audit qui fournit l’occasion de prendre du recul sur l’activité, leur apparait désormais comme une nouvelle opportunité au service de cette recherche. Petit à petit, les directions fixent de nouveaux objectifs qui confèrent à l’audit une autre dimension. Laurence Mignard* livre ses réflexions sur la nouvelle place de l’audit dans les organisations. D’abord centré sur la qualité, le champ d’application de l’audit s’est peu à peu élargi, prenant en compte, au fur et à mesure de leur apparition, les nouveaux référentiels de systèmes de management (environnement puis sécurité) Parallèlement à cette évolution, au cours de ces 10 dernières années, les directions d’entreprises ont progressivement mis en place un dispositif de contrôle interne, portant sur la maitrise des risques. L’évolution du contrôle interne au fil des ans s’explique notamment par la montée des risques liés à la globalisation, la dématérialisation des opérations et la financiarisation. Ce qui confirme la nécessité de mettre en place des mesures appropriées de façon à limiter le niveau des risques. L’audit interne est naturellement un outil incontournable de ces nouvelles démarches. Par conséquent, un certain nombre d’entreprises a souhaité faire converger d’un côté les approches d’audit de système d’ordre organisationnel, et de l’autre les audits de contrôle interne pour obtenir un seul dispositif, plus global. Un signe de cette évolution est la nouvelle orientation donnée à la norme internationale en matière d’audit (ISO 19011), revue en novembre 2011. La première version sortie en 2002 était uniquement axée sur les audits de systèmes de management de la qualité et/ou de management environnemental. La norme revue l’année dernière se destine à une utilisation pour l’audit de tout système de management. Cette évolution normative confirme bien une tendance à l’élargissement du champ des audits dans les entreprises.

Vers le métier « d’auditeur – manager »

Nous sommes donc actuellement dans une période de mutation du métier d’auditeur. Le temps de l’audit-inspection et de l’audit-contrôle est révolu. Encore rares sont les entreprises qui ont déjà acquis la maturité pour la mise en place d’audit de système de management capable d’intégrer les composantes financière, qualité, organisation etc., mais cela se construit petit à petit. En conséquence, les profils d’auditeurs évoluent. Les auditeurs qualité avaient souvent des profils techniques, dotés de capacités d’analyses et de compétences robustes sur les produits. Ils vont naturellement devoir adopter une vision plus systémique et globale en apportant une réflexion à forte composante managériale. Nous avons aujourd’hui besoin « d’auditeur – manager » pour échanger avec les directions d’entreprises.

Deux facteurs clés de succès : l’implication des managers et la compétence de l’équipe d’audit

L’analyse du dispositif d’audit interne des entreprises performantes montre deux facteurs de succès : - l’implication étroite de la ligne managériale dans l’ensemble du processus d’audit - le soin apporté au maintien et au développement de la compétence des auditeurs Aujourd’hui, les dirigeants et managers font évoluer leur vision de l’audit ; ils ont désormais conscience que l’audit sera efficace dans la mesure où un accompagnement en amont, une implication renforcée en cours d’audit et un suivi en aval sont mis en place. Les managers non initiés peuvent vivre difficilement cette évolution. Très souvent, l’audit amenait à ouvrir ses portes à « un étranger » à qui l’on devait « rendre des comptes ». Deux attitudes se sont alors développées : tout faire pour que l’audit ne relève aucun écart par rapport aux dispositifs mis en place ou dépasser une première réticence légitime pour profiter des bénéfices d’un regard neutre sur la robustesse de son organisation ou activité. Les entreprises qui ont réussi à instaurer ce second regard, sont capables de construire des programmes d’audit sous l’impulsion des demandes des managers en réponse à des besoins bien identifiés. Les résultats et conclusions des audits sont dans ce cas examinés avec attention et utilisés comme véritable levier de dynamique managériale. Autre aspect de l’implication managériale indispensable : la reconnaissance apportée à la fonction d’auditeur interne au sein de l’entreprise et par chaque hiérarchique. Souvent, l’auditeur interne est mis à disposition pour ses missions d’audit en marge de son activité principale ; la prise en compte et le respect de cette fonction comme partie intégrante de son activité conditionne la disponibilité et la motivation dont lui-même peut faire preuve ; il est utile par exemple dans cette configuration de consacrer une séquence de l’entretien individuel au bilan des missions d’audit. Le soin apporté au maintien et au développement de la compétence des auditeurs est le second des principaux facteurs clés de succès. Les équipes d’audit reconnues comme particulièrement efficaces sont recrutées sur le principe du volontariat. Outre une formation solide qui permettra l’acquisition des fondamentaux avant la prise en main de la première mission, la montée en compétence de l’auditeur se poursuit en continu. Pour maitriser tous les savoirs, savoir-faire et savoir être nécessaires à ses missions, l’auditeur a besoin de formations régulières et de temps réservé au partage des pratiques. Il peut ainsi maintenir son expertise au plus haut niveau et rester perspicace lors de ses missions, malgré les changements vécus par l’entreprise. Pour illustrer ce propos, je vais prendre l’exemple d’une mission réalisée sur six années au sein d’un grand groupe français industriel. A l’origine, le projet portait sur la professionnalisation des auditeurs qualité d’une direction répartie sur plusieurs sites. Les audits étaient alors réalisés par les auditeurs des différents sites qui adoptaient chacun des pratiques très personnelles. Nous avions donc mis en place des parcours de formation et une démarche d’accompagnement individualisé de chaque auditeur. Deux ans après, le groupe a décidé d’entrer dans une démarche « environnement » et a souhaité confier à ces mêmes auditeurs les audits environnementaux ; le parcours s’est enrichit par conséquent de modules spécifiques à ce nouvel aspect. A nouveau deux années plus tard, nous avons adopté une logique similaire pour les accompagner sur la mise en place d’audits sécurité. Enfin, six ans après le lancement du projet, la direction du groupe a demandé à ce que le contrôle interne soit mis en place dans l’ensemble des entités. Avec nos interlocuteurs, nous avons décidé de relever le défi d’intégrer des axes « contrôle interne » dans les missions des auditeurs. Ce nouveau périmètre a demandé l’ajustement des techniques d’audit et une nouvelle période de montée en compétence, mais le résultat, remarqué par la direction du groupe, est à la mesure de l’enjeu : des audits combinés qualité, environnement, sécurité et management des risques. *Responsable de l’offre Qualité, Sécurité, Environnement et Management des risques au sein de CSP Formation qu’elle a rejoint après 10 ans d’expérience dans l’industrie agroalimentaire. Laurence Mignard est spécialisée dans les missions de conseil et d’audit de systèmes de management et coordonne la participation des consultants CSP aux commissions de normalisation AFNOR.

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